Belle Tanouchert au temps de la guetna, un été dans l'Adrâr - Nomadays

Mauritanie

Belle Tanouchert au temps de la guetna, un été dans l'Adrâr

25 juil. 2010

Tanouchert est toujours cette très belle palmeraie de l’Est de l'Adrar At T’mar, mangée par les sables de l’erg Warane.   
En cette fête des dattes, elle est très occupée, la tradition reste très vivante et j’ai l’impression de la redécouvrir comme je l’ai découverte il y a 18 ans. Rien n’a vraiment changé, rien n’a évolué, elle vit comme durant ces siècles passés. Immuable.  

Des myriades d’enfants courent en tous sens, autour de femmes jeunes ou plus âgées dans une ambiance de quiétude, hors du temps. Ici, pas de  télévision, pas d’électricité, le téléphone portable ne passe pas non plus, la vie de la palmeraie est rythmée par la révolution du soleil dans l’espace.

Méridien, Lagueila : 48°C à l’ombre

Au méridien, l’astre du jour darde et écrase la lumière, les gens et les animaux. Il fait plus de 48°C à l’ombre, l’oasis est engourdie, patiemment elle s’allonge en attendant le soir. Puis le vent thermique, à son tour, se lève – l’Irifi. Il soulève dans son souffle brûlant un sable blond envahissant.

Normalement, il tombe lorsque l’activité solaire s’estompe mais ce soir il joue les prolongations, soufflant en rafale obligeant les gens et les bêtes à courber le regard, à s’abriter sans pouvoir bénéficier du relatif apaisement du soleil enfin couché.

La nuit est bien installée lorsque les chamelles suitées rentrent du pâturage pour la traite. Labatt El Boukheir, le gardien du troupeau, vient me saluer en baissant son regard, une vieille dette de l’un envers l’autre. Seule sa déférence me rappelle ce souvenir.

Le repas est frugal : du lait de chamelle, des dattes fraiches – taggalat – suivi d’un  peu de viande de chèvre puis un couscous maure à la graine brune.

Tiédeur nocturne

 

A une heure avancée de la nuit, un ensemble d’hommes, de femmes et d’enfants de la palmeraie trimballe leurs nattes près de la makhmeul d’Atfeil perchée sur une bosse de sable. Ils se couchent là, tous ensembles. Ils papotent doucement, rient puis le silence recouvre tout ce monde.

Dans les zones sableuses, les températures tombent vite, il fait presque frais. Je cherche machinalement une couverture, un drap mais je suis venu sans rien … juste un sarouel et une chemise comme un mauritanien.

Autour de moi, tout le monde dort enroulé dans le boubou pour les hommes et le mehlafa pour les femmes.

Cinq heures du mat

A cinq heures du matin, le jour est levé et tout le monde est déjà reparti à ses occupations quotidiennes. Les jours sont longs au mois de juillet.

   

Atfeil, tout en étant afféré à ces occupations, ne me lâche pas du regard. Demander « Comment ça va ? » fait partie du rituel et la réponse aussi. Il ne me parlera jamais d’un problème quelconque, ni même de me dire que les choses ne sont pas faciles en ce moment.

Je le lis sur son visage, l’anxiété lui a creusé le visage. J’ai appris avec le temps à déchiffrer ses préoccupations. Nous avons vécu tant de choses ensemble, nous avons arpenté la Mauritanie en tous sens, partagé l’évolution de son campement, échangé des nuits entières.

Avoir vécu la maladie de son fils Slama, les diverses opérations et après une rémission de quelques années, sa mort sur la table d’opération. Nous avions fait le maximum. Ces événements, ces partages, ces aventures ont tissé des liens extrêmement forts entre nous. Ces rapports humains me sont précieux …

Sylvain, Tanouchert - juillet 2008