Awra Amba est un village qui intrigue autant qu’il inspire. Il est situé dans la région de l’Amhara, à environ 74 km de la ville de Bahir Dar, au nord-ouest d’Addis Abeba, en Éthiopie. Cette communauté émerge comme une société alternative qui défie les conventions sociales et culturelles de son pays. Awra Amba attire de plus en plus l’attention d’universitaires, de sociologues et de visiteurs internationaux en raison de ses valeurs progressistes particulières.
Awra Amba est née d’un contexte social profondément traditionnel. En Éthiopie, de nombreuses pratiques sociales et culturelles reposent sur des normes de genres strictes et de valeurs religieuses conservatrices. Le fondateur, Zumra Nuru Mohammad, était fils de paysan et analphabète. Enfant, il ressentait une profonde indignation face aux injustices de la société dans laquelle il grandit :
Gênée par ses questions et ses remarques, sa famille le met à la porte. À l’âge de 13 ans, Zumra Nuru parcourt les villages environnants pendant 5 ans, vivant modestement, mais cherchant toujours des personnes qui partageraient ses idées. En 1972, il convainc une dizaine de familles, toutes illettrées, et décida de s’installer sur un terrain d’environ 50 ha à Awra Amba.
Cependant, de 1989 à 1993, Zumra Nuru et sa communauté progressiste avaient été persécutés par les villages conservateurs voisins, les forçant à fuir et à perdre leurs terres. Après une lutte acharnée, ils ne récupérèrent que 17,5 des 50 hectares initiaux, insuffisants pour une communauté en expansion. Seule une vingtaine de personnes revient au village. Malgré tout, la résilience a permis à la communauté de croître et d’atteindre 400 à 500 habitants en 2010.
Les cinq principes fondateurs de la communauté d’Awra Amba sont les suivants :
Par ailleurs, il existe également d’autres règles de vie que les membres de la communauté doivent suivre. Il est par exemple défendu de consommer du khat, des cigarettes, de l’alcool. En matière de mœurs, la communauté reste stricte : les relations sexuelles en dehors du mariage et l’adultère sont proscrits. Les mariages doivent être consentis par les mariés (pas de mariage forcé). Un couple peut demander le divorce en cas de désaccord ou de conflit.
Affirmer que la religion est totalement absente dans la communauté d’Awra Amba serait inexact. En réalité, ses membres croient en un Dieu créateur unique, présent partout autour de nous. Il n’est pas nécessaire de lui attribuer un nom, d’établir des règles spécifiques ou de pratiquer des rites pour entretenir cette foi. Zumra Nuru, pour sa part, est fermement persuadé qu’il n’existe pas ni paradis ni vie après la mort. Selon lui, le paradis doit être créé ici et maintenant, et il n’est pas indispensable d’attendre la mort pour y accéder.
Afin de garantir le respect des principes fondamentaux, la gestion des dossiers est assurée par 11 comités élus tous les trois ans par la communauté. Ceux-ci abordent divers sujets tels que :
L’ensemble est supervisé par un comité de développement constitué de 15 membres.
Par ailleurs, il faut également noter qu’Awra Amba se compose de deux entités : la communauté résidentielle et la coopérative. La majorité des habitants y travaillent, percevant un salaire égal pour tous.
Les membres de la communauté d’Awra Amba tirent leur subsistance du tissage, de la meunerie, du commerce, et depuis quelques années, de l’accueil de visiteurs. La coopérative possède :
Chaque année, les bénéfices sont calculés, et une assemblée générale détermine la part qui sera réinvestie dans la coopérative et celle qui sera répartie équitablement entre tous les membres. Il faut noter que chacun a la possibilité de travailler à l’extérieur de la coopérative s’il le souhaite.
En outre, l’agriculture, bien que présente, occupe une place secondaire en raison de l’espace cultivé limité. Les paysans produisent principalement du tef (céréale nationale), du sorgho, du maïs, et élèvent des vaches.
Pour se rendre à Awra Amba, les villes de Baher Dar et de Gondar sont les points de départ les plus proches. Elles sont toutes deux accessibles par avion depuis Addis-Abeba.
Depuis Baher Dar, il faut prendre un minibus ou un taxi collectif vers Worera. Le trajet dure environ 1h30. Puis, il faut continuer avec un autre transport vers Dangla, où des taxis ou minibus peuvent vous emmener à destination. La route dure environ 45 minutes.
Si l’on se trouve à Gondar, il est également possible de rejoindre Awra Amba en bus ou minibus en direction de Baher Dar. Il ne faut pas oublier de descendre à Dangla et prendre un autre transport collectif pour aller à Awra Amba.
Pour plus de confort et de flexibilité, il est possible de louer un véhicule privé avec chauffeur, soit à Bahir Dar, soit à Gondar. Cette option est plus coûteuse, mais elle permet de réduire les temps d’attente et de se déplacer plus aisément sur les routes moins praticables. Il est recommandé d’utiliser un 4x4, surtout pendant la saison des pluies (de juin à septembre), car certaines routes peuvent devenir boueuses.
Plusieurs agences de voyages éthiopiennes proposent des circuits incluant une visite d’Awra Amba, souvent en association avec d’autres sites touristiques de la région. Cette option est intéressante si l’on souhaite un guide pour expliquer les spécificités de la culture de ce village et gérer toute la logistique du trajet. Cependant, il est primordial de vérifier la réputation de l’agence choisie afin d’éviter les mauvaises surprises.
Le mode de vie égalitaire à Awra Amba n’a été découvert par la société éthiopienne qu’en 2006, lors d’une interview de Zumra Nuru à la télévision nationale. Suite à cela, de nombreux membres du gouvernement, des ONG locales et internationales, ainsi que des leaders religieux ont visité la communauté. En 2009, près de 6000 visiteurs éthiopiens et des étrangers se sont rendus sur place.
Aujourd’hui, le village est présenté comme un « catalyseur de changements remarquables dans la région Amhara, et un « modèle à suivre pour d’autres communautés en Éthiopie et ailleurs ».
La plupart des visites à Awra Amba commencent par une introduction aux valeurs de la communauté. Un guide local, souvent un membre du village, explique aux visiteurs les principes fondateurs du village. La communauté est ouverte aux échanges et discussions avec les étrangers. D’ailleurs, les habitants sont généralement disponibles pour répondre aux questions sur leur mode de vie, leurs aspirations et leurs défis quotidiens.
Les habitants d’Awra Amba fabriquent des vêtements, des écharpes, des couvertures et d’autres articles textiles qu’ils vendent pour financer les projets communautaires. Les visiteurs peuvent faire un tour dans les ateliers de tissage et observer les artisans au travail. Ce tissage manuel est ouvertement pratiqué par les hommes et les femmes sans distinction de genre. Il est également possible d’acheter des produits artisanaux sur place afin de soutenir la communauté.
Awra Amba abrite une bibliothèque communautaire servant de centre de connaissance pour les villageois. Celle-ci est ouverte aux adultes comme aux enfants, et elle symbolise l’importance de l’éducation dans cette communauté. Elle propose des ouvrages sur divers sujets, allant de l’agriculture à la philosophie, ainsi que des livres d’enfants. C’est un lieu intéressant à voir pour mieux comprendre la curiosité intellectuelle et l’ouverture d’esprit des habitants. Les visiteurs peuvent aussi discuter avec les jeunes et les adultes qui fréquentent la bibliothèque, ce qui permet un échange enrichissant.
Les visiteurs peuvent faire un tour à l’école du village afin d’observer les méthodes d’enseignement utilisées et échanger avec les enseignants. Aux côtés des enfants, on peut voir parfois quelques adultes illettrés souhaitant acquérir et améliorer leur savoir. Cette visite permet de mieux appréhender de quelles manières les valeurs communautaires sont transmises dès le plus jeune âge.