Lors d'un séjour en Sardaigne, les amateurs d'art contemporain sont invités à faire une halte dans le village d'Ulassai, dans la province d'Ogliastra. Une ville-musée attachante se laisse découvrir derrière les montagnes.
Quand les guides de voyage parlent d'une ville-musée, ils emploient cette expression au sens figuré. Mais le bourg montagneux d'Ulassai en Sardaigne est un musée en plein air au sens propre du terme. C'est Maria Lai, une artiste reconnue originaire de la région, qui est à l'origine du projet. Elle a puisé son inspiration dans les légendes pastorales. Une fillette envoyée sur la colline pour apporter des vivres aux bergers a été arrêtée par un violent orage. Un ruban miraculeux surgit du ciel, entraîna l'enfant à sortir de la caverne où elle s'est réfugiée, à affronter l'averse, la tempête et la sauva de justesse d'un glissement de terrain. « Joignons les habitations les unes aux autres avec un ruban, comme quand on a peur et qu'on se serre la main », proposa Maria Lai au directeur de la mairie. Ainsi commença la carrière artistique de Maria Lai : les logements ont été reliés aux montagnes environnantes par un feston bleu d'azur de 27 km de long. La ville a inspiré l'artiste, et l'artiste a recréé et métamorphosé la ville.
On ne présente pas Maria Lai, le chef de file de l'art relationnel italien. Elle est née en 1920 à Ulassai, un bourg rural d'Ogliastra, perdu dans les montagnes sauvages de l'arrière-pays. Elle a étudié dans une école de peinture et de sculpture à Rome. Pourtant, ce sont les jeux de son enfance qui réveilleront la créativité de Maria Lai.
Elle a grandi dans les prairies, évolua parmi les chèvres et les bergers, collecta du bois de chauffe et mangea le pain frais de la ferme. Les compositions de Maria Lai sont un fidèle reflet de cet univers poétique. S'affranchissant de la toile, l'artiste a produit une collection d'œuvres disparates : tableaux, porcelaines, livres cousus, pièces en argile, textiles… Même un objet banal comme le métier à tisser est approprié par l'artiste, qui montre d'une grande puissance évocatrice.
À une époque, l'écrivain sarde Cambosu donnait des cours d'italien à Maria Lai. Il eut immédiatement foi au génie qui couvait dans sa jeune étudiante, quand ses autres enseignants étaient d'avis qu'il lui sera difficile, en sa qualité de femme, d'obtenir du public l'honneur et la reconnaissance de son talent.
Ce n'est qu'à 61 ans que l'artiste acquit une renommée internationale grâce à l'immense succès remporté par le chef-d'œuvre Legarsi alla montagna ou Se lier à la montagne, exécuté en 1981. Vingt-cinq ans plus tard, un musée d'art contemporain, dénommé Stazione dell'Arte (Station de l'art), a été érigé en sa mémoire. Mais l'héritage artistique de Maria Lai est loin d'être contenu dans les trois bâtiments du musée. Il déborde extramuros, aussi bien à l'ancien lavoir, au sein de l'église mère du village, à la bibliothèque, dans la salle du palais communal qu'au cimetière où l'artiste a été enterré en 2013, à l'âge de 93 ans.
C'est dans un cadre naturel insolite, couvert de rochers et de falaises herbeuses, que le musée consacré à Maria Lai a ouvert ses portes. L'emplacement a été judicieusement choisi : d'un côté, l'accès du musée demande de faire une partie de trek et d'escalade ; mais, plus important encore, le visiteur s'invite dans la campagne et plonge malgré lui dans le paradis d'enfance de l'artiste. Si le musée est le bon point de départ pour découvrir son œuvre protéiforme, la visite se poursuit en plein champ.
La collection ne comprend pas moins de 150 œuvres léguées par la pionnière du mouvement relationnel en Italie. Parmi ses œuvres maîtresses, on peut citer :
Se lier à la montagne, 1981
Oggetto paesaggio (Objet paysage), 1967
Contes de fées entrelacés, hommage à Antonio Gramsci, 2007
Métier à tisser du vent, 2007
Huile de mots,2008
Hommage aux femmes d'Ulassai: un magnifique cadre qui orne le plafond du lavoir. Daté et signé par Maria Lai en 1933 ;
La Source de la fontaine, datée et signée par Luigi Veronesi ;
La Fontaine de blé, datée et signée par Guido Strazza ;
La Fontaine sonore, datée et signée par Constantine Nivola.
En vous rendant dans la bibliothèque, vous remarquerez La Capture de l'aile du vent, réalisée par l'artiste en 2009. Ne manquez pas également Les Cheveux de Mercure, piècedatée et signée par Ettore Consolazione.
En dehors de ces installations, la montagne, les vallons, les petites rues tortueuses, les murs commerciaux, les cimetières et les biens d'habitation sont autant d'endroits où Maria Lai arbora ses créations :
L'Escarpement, 2002
Les Chèvres cousues, 1992
La Route des traditions, 1992
Le Berger avec son chèvre le matin, 2005
Le Jeu du vol de l'oie, 2002
La Maison des préoccupations, 2005
Opéra La capture de l'aile du vent, 2009
Au gré de la randonnée, vous serez ravis d'observer des pièces artistiques issues de maîtres italiens qui se sont installés à Ulassai : les Pierres suspendues (2012) de Luca Rossi, le Portrait de Maria Lai (1933) de Francesco Ciusa, À la lumière (2015) de Guido Strazza, et bien d'autres.
Pour se rendre à la ville-musée de Maria Lai, vous devez prendre un avion à destination de Cagliari. À la sortie de l'aéroport, prenez le train pour rejoindre en 20 minutes la gare routière de Cagliari. Les bus directs pour Ulassai ramassent les voyageurs à cet endroit. Comptez en moyenne 3 heures et 15 minutes de trajet pour un prix de 8 euros. Les bus partent à 14 heures, et ils respectent la ponctualité.
Au-delà de 14 h, il y a d'autres services de bus, mais vous serez contraint de changer de ligne puisque le trajet n'est pas direct. La durée du voyage est plus longue.