Ranavalona 1re (1828-1861):  pas de visage sur un nom qui a marqué l’histoire de Madagascar - Nomadays

Madagascar

Ranavalona 1re (1828-1861):  pas de visage sur un nom qui a marqué l’histoire de Madagascar

11 juil. 2018

Ranavalona est une grande figure historique connue de tous pour être une grande souveraine, ayant résisté à la domination européenne et ayant violemment réprimé le christianisme dans son pays. Son portrait officiel est cependant faux, puisqu’elle n’a jamais posé pour qui que ce soit !

Ranavalona : un nom qui renvoie à « autorité et chauvinisme »

Une accession au trône hors du commun

Ramavo naquit vers 1788 d’une cousine du roi Andrianampoinimerina et fut adoptée par la sœur aînée de ce dernier. Elle accéda à la haute aristocratie malgache avec un nom qui l’associa déjà à la royauté : Rabodonandrianampoinimerina. D’ailleurs, elle fut choisie pour épouser le futur roi Radama. Ella alla alors représenter une figure importante dans l’histoire de Madagascar en symbolisant l’autorité et le nationalisme. Son accession au trône laissa déjà entrevoir sa détermination, sa rigueur et son courage. En 1828, à la mort de Radama, son mari, elle ne fut pas l’héritière légitime du trône. Rakotobe, fils aîné de la sœur aînée de Radama était le véritable successeur. Elle demanda l’accès au trône et l’obtint avec l’appui de plusieurs courtisans, dont Andriamamba, ainsi que nombreux officiers supérieurs et grands commis du royaume, comptant entre autres Andriamihaja (futur époux de la future reine), Rainijohary et Ravalontsalama, ainsi que des juges et des gardiens des Sampy (talismans royaux).

Une grande souveraine, autoritaire et chauvine

Au début de son règne, Ranavalona poursuivit l’œuvre de modernisation impulsée par son défunt mari. Cependant, elle eut de plus en plus conscience que son pays alla être colonisé soit par les Anglais soit par les Français. L’armée française commença en effet à prendre de force des points stratégiques de la côte orientale de l’île, tandis que les Britanniques étouffèrent progressivement les us et coutumes malgaches par le biais de la religion chrétienne. Elle commença alors à combattre avec une ferveur et une sévérité légendaire les influences européennes, notamment le christianisme. Elle réprima sévèrement la pratique du christianisme au sein de son peuple et interdit l’évangélisation aux missionnaires britanniques. Elle a interdit la célébration de la cène, le baptême, les enseignements bibliques et les réunions religieuses à domicile. Les missionnaires, ne voulant pas céder, finirent par être expulsés de l’île en 1835.

La reine continua cependant la modernisation du pays avec l’aide de Jean Laborde, aventurier mais personne ingénieuse qui convainquit la reine de son utilité pour son royaume, résultant en de grands accomplissements dans l’industrie métallurgique et chimique (fonderie de canons en fonte de fer, verrerie, papeterie, sucrerie, savonnerie, etc.).  Aveuglée par sa guerre sainte, la reine finit par ordonner également l’exil de Jean Laborde. Pendant son règne, elle réussit à repousser les assauts des troupes françaises et britanniques, et pourchassa les Malgaches devenus chrétiens et en fit des martyrs.

Ranavalona : aucun portrait authentique de la reine

Comme Ranavalona rejeta toutes les influences européennes qui pouvaient apporter un semblant de dominance sur la culture et l’identité malgache, elle refusa de se faire reproduire ses traits par conviction croyant que la photographie vole l’âme et donc tue le modèle. C’est la représentation (copie de la personne humaine) qui tue. C’est pour cela que son mari Radama I est mort jeune. Parce que ce dernier a prêté ses traits au dessinateur Coppalle qui a brossé son portrait. Peu de temps après, il mourut (tableau exécuté en 1826 et il est mort en 1828), et ce, à cause de ce tableau qui a gardé ses traits.

Le rôle du missionnaire William Ellis dans la création du portrait de la reine

Le missionnaire britannique William Ellis arriva au milieu de ces tumultes en 1856 et ne tarda pas à se rendre compte de la violence avec laquelle Ranavalona lutta contre le christianisme. Il était présent pendant un mois au temps de Ranavalona Ière (aout-septembre 1856), et ne revint qu’en 1862 appelé par le roi Radama II. Il était photographe de la cour de 1862 à 1865 quand il quitta définitivement Madagascar. Il découvrit également avec stupéfaction et admiration la ferveur des chrétiens malgaches. À son retour en Angleterre, il offrit d’ailleurs au Musée de la Société biblique de Londres quelques pages du livre des Psaumes que des chrétiens malgaches avaient préservé au péril de leur vie. Le missionnaire les avait échangées contre une Bible complète. Durant son long séjour, il put approcher la famille royale et eut le privilège de prendre la photographie de Rabodo, future reine Rasoherina et nièce de Ranavalona. C’est de ce cliché que l’architecte Ramanankirahina Philippe (1860-1916) s’est inspiré pour créer le portrait de Ranavalona 1ere qu’on inscrivit dans l’historiographie coloniale et dans la mémoire officielle.

Le portrait de la reine Ranavalona : le vrai du faux

Sur le cliché d’Ellis, la princesse Rabodo porte une longue robe avec des fronces et de petits nœuds sur le devant, tenant un mouchoir à la main et affichant des cheveux séparés en deux avec des petites tresses ornées de fleurs. Sur le portrait de Ramanankirahina, des couleurs ont été apportées, une longue cape pourpre ajoutée, une couronne royale dessinée sur la tête de la souveraine et le regard endurci. Ramanankirahina s’était sans doute inspiré des descriptions de visiteurs étrangers, dont William Ellis lui-même. Dans ses écrits, le missionnaire William Ellis décrit la reine comme une femme d’assez petite stature, mais qui semblait robuste. Son visage était rond et son front bien formé, ses yeux petits, son nez court, mais pas large, ses lèvres fines et bien dessinées et le menton légèrement arrondi. Son visage et sa tête étaient assez petits, mais bien proportionnés. Elle avait une expression nonchalante et apparaissait en très bonne santé, malgré ses 68 ans au moment des faits. Elle portait une couronne en plaques d’or ornée d’une parure et d’une breloque, probablement une dent de crocodile, ainsi que des colliers et de grandes boucles d’oreilles en or.

Helihanta RAJAONARISON​
Les usages sociaux de la photographie à Antananarivo (milieu XIXe-milieu XXe), Thèse d'histoire, Université, d'Antananarivo, 2014, 523p.
Professeur d’histoire Université de Antananarivo
Présidente du Musée de la Photographie de Madagascar