Le phénomène Père Pedro - Nomadays

Madagascar

Le phénomène Père Pedro

25 juil. 2019

En France, on connaît le Père Pedro Opeka pour ses livres coécrits avec l’abbé Pierre et ses nombreux passages télévisés en 2017. Quelques personnes ont peut-être retenu son nom en 2013 lorsqu’il a été nominé pour le prix Nobel de la Paix. À Madagascar, le personnage est un véritable héros national, même un saint pour certains… À plus de 70 ans, il lutte contre la pauvreté depuis une trentaine d’années dans la Grande Île !

Les débuts d’un lien très fort

L’histoire d’amour entre Madagascar et le prêtre argentin d’origine slovène commence en 1970. Il vient pour la première fois à l’âge de 22 ans dans le pays en qualité de maçon dans les paroisses lazaristes, à Vangaindrano, dans le Sud-Est. Déjà, il a à cœur d’aider les familles démunies, en participant à l’amélioration de la culture du riz, des céréales et du café. Il trouve sa vocation de missionnaire et poursuit ses études théologiques en France avant de revenir à Madagascar en 1975.

Ordonné prêtre à Buenos Aires en Argentine et prononcé missionnaire dans l’église lazariste de la rue de Sèvres à Paris, il va vouer toute sa vie aux plus démunis dans ce qui sera sa patrie d’adoption. Les prêtres Lazaristes, aussi appelée la Congrégation des Missions ayant pour vocation et pour charisme de s’occuper essentiellement des pauvres.

D’abord curé de la Paroisse à Vangaindrano en 1975, puis directeur du scolasticat des Lazaristes d’Antananarivo en 1989, le père Pedro va connaître la véritable misère et initier « Akamasoa ». Il marche alors sur les traces du saint catholique Vincent de Paul, fondateur de la communauté, ayant fait l’expérience de la misère spirituelle et matérielle.

        

« Akamasoa » dont le nom signifie « bons amis » est à l’origine de la création d’un nouveau village sur une terre rocheuse à 7 km de la ville. Le père Pedro réussit à convaincre 70 familles sans abri de le rejoindre. Celles-ci survivaient au milieu de la décharge d’ordure de la capitale, se battant parfois avec les chiens et les cochons pour récupérer des restes.

Des accomplissements héroïques

Il a alors construit bois sur bois au début, puis petit à petit brique par brique ce village avec les familles sur un terrain que les autorités ont mis à sa disposition. Ce qu’Akamasoa propose, c’est de retrouver sa dignité et avoir l’opportunité de prendre en main son avenir. Les habitants sont logés, nourris et ont accès à des soins médicaux. Les parents ont une occupation (un travail) et les enfants sont obligatoirement scolarisés. 

Depuis la création du premier village en 1989, l’association a réussi à construire 18 villages dans la capitale et en province, dont :

·         Le village d’Antolojanahary, à 60 km de la capitale vers la route d’Ankazobe sur la RN 4.

·         Le village de Manantenasoa, à 8 km de la capitale vers la route de Toamasina (RN 2).

·         Le village d’Andralanitra, à 8 km de la capitale sur la RN 2.

·         Le village de Mahatsara, à 12 km de la capitale sur la RN 2.

·        Le village d’Ambatomitokona - Talata Volonondry, à 37 km de la capitale vers la route d’Anjozorobe (RN 3).

·         Le village d’Alakamisy Ambohimaha et Safata dans la province de Fianarantsoa.

·         Le village d’Ampitafa à Vangaindrano dans le sud-est de Madagascar.

·         Le village de Béthanie à Morondava sur la côte ouest.

Plus de 3 000 maisons ont été bâties ainsi qu’une trentaine d’écoles, plusieurs bibliothèques, 3 dispensaires, un cabinet de dentiste, des stades de basket et de foot, des cimetières… Environ 14 000 enfants ont été scolarisés en 2017/2018 dans 6 écoles primaires, 4 écoles secondaires et 2 lycées. Ceci été rendu possible avec l’aide de 464 professeurs et instituteurs et de 70 assistantes sociales.

   

Un homme dévoué à sa mission

460 cadres malgaches œuvrent au développement de l’association. Le gouvernement malgache a même décrété que l’œuvre humanitaire Akamasoa possède la reconnaissance d’utilité publique. Elle fonctionne grâce aux aides, mais celles-ci semblent insuffisantes vu que le père Pedro ne cesse de faire jouer ses relations à l’étranger.

Il faut dire qu’il y a de plus en plus de sans-abris et de familles démunies nécessitant l’aide du prêtre. Obtenir la récompense (environ 900 000 €) qui accompagne le Prix Nobel l’aurait bien aidé ! Lors de ses passages sur des chaînes de télévision française en 2017, l’homme qui symbolisait la gentillesse et la patience semblait montrer des signes d’agacements, dénonçant le manque de volonté des Malgaches de s’entraider.

En effet, le héros a beau récolter les éloges, les reconnaissances, les prix et les honneurs de la part de Madagascar et des autres pays, Akamasoa est toujours aussi seul et dans le besoin. 500 000 personnes démunies ont bénéficié de l’aide humanitaire, mais il y en a des millions d’autres qui sont délaissés. Certes, il y a de nombreuses autres associations, mais aucun n’arrive à faire tout ce que le Père Pedro et ses amis font.

Une histoire au dénouement heureuse ?

Aujourd’hui, aller voir le Père Pedro est devenu une raison de venir à Antananarivo pour certains voyageurs, même si on ne le voit pas forcément lorsqu’on visite les villages. Beaucoup dans leur demande de voyage émettent le souhait de visiter le village d’Akamasoa et d'assister à la messe célébrée par ce prêtre.

En septembre 2019, le pape François (ancien camarade du père Pedro au Colegio Máximo de San Miguel dans le Grand Buenos Aires) effectuera un passage dans la Grande Île et rendra également visite à Akamasoa. Le père Pedro Opeka y voit comme un signe de reconnaissance et d’encouragement de la Providence. On ne peut qu’admirer sa dévotion et sa ferveur à plus de 71 ans !

Combien de temps aura-t-on encore cet homme parmi nous ? Quand est-ce que nous l’aurons attribué la reconnaissance et l’aide qu’il mérite ? Quand est-ce que les Malgaches créeront par eux-mêmes plein d’autres Akamasoa ? À nous de retrouver notre dignité et d’agir pour notre futur !

 

Photos: https://www.perepedro-akamasoa.net