Naviguer sur les eaux calmes du lac Dal ou du lac Nigeen à bord d’un shikara, c’est s’offrir un moment suspendu, hors du temps, au cœur des paysages majestueux du Cachemire. Cette embarcation emblématique de cette région de l’Inde permet de découvrir la vie locale depuis l’eau, entre montagnes enneigées, jardins moghols et maisons flottantes. Plus qu’une simple balade, le shikara incarne l’art de vivre cachemiri.
Le shikara est un petit bateau en bois typique des lacs de Srinagar, notamment le lac Dal, au Jammu-et-Cachemire. Conçu pour naviguer avec élégance dans les eaux peu profondes des lacs et des canaux, il est doté de coques fines et d’extrémités pointues.
Les shikaras sont fabriquées en bois de cèdre deodar, qui résiste naturellement à la décomposition aquatique. Leur longueur varie généralement de 7,5 à 12 m, avec un fond plat et une forme en « spade » caractéristique. Le bord, réalisé en planches épurées, est élevé sur environ 45 cm.
Le shikara peut accueillir environ six personnes, avec le batelier positionné à l’arrière et manœuvrant à l’aide d’un seul aviron. Traditionnellement, il servait au transport de marchandises, de récoltes ou comme liaison entre les quartiers construits en bordure d’eau. Aujourd’hui, si quelques shikaras sont toujours utilisées pour la pêche, la récolte de végétation aquatique ou comme moyen de transport, la majorité est dédiée au tourisme.
Pour les promenades touristiques, la coque est souvent équipée d’un toit voûté maintenu par quatre piliers, et l’intérieur aménagé avec des coussins, des sièges confortables et parfois des housses, soutenus par des coffres intégrés. Des rideaux décoratifs, des sculptures sur bois et des couleurs vives ornent souvent l’embarcation.
Le shikara est un bateau emblématique de la vallée du Cachemire. Cependant, en raison de sa popularité touristique, il est aussi présent dans certaines régions de l'Inde. Par ailleurs, dans le Kerala, dans le Sud de l’Inde, ce terme est également utilisé pour désigner d'autres embarcations traditionnelles, très différentes dans leur forme et leur fonction de celles du Cachemire. Celles-ci sillonnent les backwaters, un vaste réseau de canaux bordés de rizières et de palmiers qui font la renommée d’Alleppey (Alappuzha) et de ses environs. On en parle aussi dans cet article.
Au Cachemire, le shikara incarne bien plus qu’un simple moyen de transport : il est un symbole culturel fort de la région, comparable à la gondole vénitienne. Présent dans l’art, la musique, la peinture et le cinéma indien, notamment à travers les films de Bollywood, cette embarcation évoque dans l’imaginaire collectif la beauté, la paix et un mode de vie ancestral sur l’eau.
Chaque été, le Shikara Festival anime le lac Dal. Il met à l’honneur ce patrimoine vivant et le savoir-faire des artisans locaux. Le moment phare de l’événement est une parade de shikaras décorés, ornés de fleurs, de tissus brodés et de motifs traditionnels, souvent inspirés de thèmes historiques ou cinématographiques. Certaines embarcations nécessitent plusieurs semaines de préparation. Des courses de vitesse valorisent la technique et la force des rameurs, tandis que des spectacles musicaux, danses folkloriques, stands d’artisanat et de gastronomie locale complètent l’événement.
Faire une balade en shikara à Srinagar, sur les eaux paisibles du lac Dal ou du lac Nigeen, est une expérience à ne pas manquer lors de votre voyage au Cachemire. Le bateau, long et élancé, glisse silencieusement sur les étendues d’eaux, guidé par un ou deux bateliers vêtus de phirans traditionnels, parfois munis d’un kangri, un brasero portatif typique du Cachemire. Le décor est saisissant : montagnes en toile de fond, nénuphars, maisons flottantes, jardins moghols comme Nishat ou Shalimar, et sanctuaires accessibles directement en bateau, tels que Hazratbal.
À l’aube, le marché flottant prend vie. Des vendeurs de fleurs, de fruits ou de safran échangent leurs produits d’embarcation en embarcation, dans une chorégraphie sereine et colorée.
À bord, tout est pensé pour le confort. En plus des sièges et dossiers rembourrés, une couverture chaude est aussi fournie aux touristes lors des promenades matinales fraîches. Un tchaï fumant peut aussi vous être servi pendant la traversée.
Sur les rives, on aperçoit des martins-pêcheurs à gorge blanche, postés sur les saules, guettant leur proie au-dessus des jardins flottants.
Plus qu’un simple trajet, une balade en shikara offre un moment suspendu, une immersion douce et poétique dans l’âme du Cachemire.
Il existe plusieurs itinéraires de shikara à Srinagar, adaptés à vos envies et à la durée de votre séjour. Voici les plus populaires :
Chaque itinéraire a son charme, et certains bateliers n’hésitent pas à raconter des anecdotes historiques ou romantiques liées aux recoins secrets des lacs.
À Srinagar, vous trouverez une multitude de shikarawalas (bateliers) proposant leurs services, directement sur les berges du lac Dal ou près des houseboats. Voici quelques critères pour bien choisir :
La meilleure période pour faire une balade en shikara au Cachemire se situe entre mai et octobre. Durant cette saison, le climat est doux, les montagnes verdoyantes, et les eaux des lacs calmes et accessibles.
Le meilleur moment de la journée pour une balade est tôt le matin (pour le calme et les marchés flottants) ou en fin d’après-midi (pour la lumière).
Dans le Kerala, le shikara est moins un objet culturel qu’un moyen pratique d’explorer la vie rurale. Cependant, l’expérience vaut aussi le détour. Elle offre une plongée dans un monde calme et verdoyant, rythmé par les marées et les traditions villageoises.
Contrairement au shikara du Cachemire, qui est plus décoratif et artisanal, celui du Kerala est simple, souvent motorisé et conçu pour être fonctionnel. Il peut accueillir entre 2 et 10 personnes, selon sa taille.
Ses caractéristiques typiques incluent :
Une balade en shikara dans les backwaters du Kerala est une expérience contemplative bien différente de celle du Cachemire. Ici, pas de montagnes ni de marchés flottants. À la place, vous entrez dans un monde de canaux bordés de cocotiers, de rizières inondées, de petits temples et de maisons colorées construites au bord de l’eau.
Le rythme est lent. On observe :
Le silence, la chaleur humide, les odeurs de terre, de curry ou de fleurs forment une ambiance sensorielle forte, presque méditative.
Le climat tropical du Kerala rend les balades en shikara agréables entre novembre et mars, pendant la saison sèche. Les températures sont douces (25 à 30 °C) et les pluies peu fréquentes.
Les meilleurs moments de la journée sont également tôt le matin (fraîcheur, lumière dorée) et la fin d’après-midi (coucher du soleil sur les rizières).
Outre le shikara, une autre expérience vous attend aussi dans le Cachemire : une nuit à bord d’un houseboat. Héritées de l’époque coloniale britannique, ces maisons flottantes en bois sculpté sont amarrées sur les lacs Dal ou Nigeen, et offrent un cadre paisible, avec vue sur les montagnes et les eaux calmes. Ce type d’embarcation existe aussi dans le Kerala, où les houseboats naviguent à travers les backwaters. Mais à Srinagar, ils restent fixes, formant de véritables quartiers flottants où l’on découvre le charme unique de la vie sur l’eau.