Frontière indo-pakistanaise : la cérémonie militaire du baisser de rideau à Wagah - Nomadays

Inde

Frontière indo-pakistanaise : la cérémonie militaire du baisser de rideau à Wagah

28 juin 2019

L'ambiance est festive chaque soir à Wagah, le seul poste frontière entre l’Inde et le Pakistan que l’on peut franchir par la route. À l’issue d’une démonstration martiale, soldats indiens et pakistanais ramènent leur drapeau respectif sous les cris et les chants patriotiques d’un public venu de toute l’Inde pour acclamer ses soldats. Reportage dans ce village du Nord du Pendjab.

Frontière indo-pakistanaise à 35 km à l'ouest d'Amritsar, un lundi soir de septembre. Le petit poste frontière de Wagah tremble sous les rugissements d'une foule déchaînée. "Hindustan zindabad ! Hindustan zindabad ! Vande Matram !" ("Vive l'Inde ! Vive l'Inde ! Bonne patrie !") Non, rassurez vous, il ne s'agit pas d'un énième contentieux frontalier, encore moins de nouvelles émeutes anti-musulmanes mais de la cérémonie du baisser de drapeau.

En 1947, lors de la Partition, le village de Wagah a été coupé en deux. Depuis, soldats indiens et pakistanais se retrouvent chaque soir devant leurs supporters respectifs pour cette cérémonie. Torse bombé, sourcils froncés et poings serrés, les soldats exécutent une parade intimidante rythmée par les ordres secs des officiers. Pendant près de 40 minutes, ils défilent en grande tenue à grands coups de bottes et de gardes à vous.

Dans les tribunes, l'heure est à la fête. Les touristes, indiens et étrangers, se pressent dans le vaste amphithéâtre qui fait face aux barrières. Femmes d'un côté et hommes de l'autre, chacun s'égosille au mieux pour ses soldats. Drapeaux, animateur qui s'épuise dans un micro saturé, slogans nationalistes, rien ne manque. C'est une vraie atmosphère de stade de foot !

La situation prend un tour cocasse quand les spectateurs se ruent en grappes dans l'allée pour gesticuler sur de la musique de films de Bollywood. Se défiant du torse, les jeunes hommes déchaînés conspuent copieusement le camp adverse. Avec des gradins presque vides, le voisin pakistanais a du mal à résister. Entre deux hurlements, Parmod Sengupt, très fair play, explique : "C'est normal, ils sont en plein Ramadan". Pour Sanjeev Kadir, un soldat de la Border Security Force, "il y a un déclin important du nombre de visiteurs pakistanais. La situation politique interne n'y est pas étrangère".

Du côté indien, la cérémonie quotidienne attire des touristes de tout le pays. Dans une des nombreuses camionnettes qui assure le transport depuis Amritsar, s'entassent des gens venus de New Delhi, Bangalore ou du Bihar. Samir Kumar, 27 ans, étudiant de Calcutta a les yeux rivés sur les soldats. "Je suis venu pour des examens à Amritsar et c'était impensable de ne pas passer ici. Tout indien connaît l'existence de cette cérémonie et c'est normal de venir soutenir nos soldats". Ce patriotisme festif fait bon ménage avec les affaires. L'entrée de la zone est envahie par les petits vendeurs à la sauvette : DVDs de la cérémonie, CDs de chants patriotiques, chips et même bières, tout est bon pour les touristes !

À 18h30, une brève poignée de main entre officiers des deux camps clôture la parade. Une nouvelle fois, la cérémonie aura joué son rôle de catharsis dans les relations tendues qui opposent l'Inde et le Pakistan. Mais dans le contexte actuel, son efficacité semble bien illusoire. À moins de trois kilomètres au Sud, dans le petit village d'Attari, les souvenirs des émeutes qui ont opposé sikhs et hindous aux musulmans lors de la Partition de 1947, sont encore bien vivaces. Baldev Singh, un paysan sikh, énonce tranquillement : "Les Pakistanais sont des gens dangereux. Nous devons les combattre"...