Le Cambodge sur courant alternatif - Nomadays

Cambodge

Le Cambodge sur courant alternatif

26 mars 2019

Le producteur et fournisseur d'énergie Electricité du Cambodge (EDC) a placé, depuis une semaine, le pays et la capitale Phnom Penh sur courant alternatif. Et cela pour une durée de 72 jours. Le royaume connaît un déficit d'électricité d'environ 360 mégawatts (MW), soit 13% par rapport à l'année 2018, qui représente l'équilibre, le baromètre des besoins en électricité du pays. Cela est dû à l'arrivée prématurée de la saison sèche et de la vague de chaleur El Niño.

Les habitants de Phnom Penh connaissent depuis une semaine des journées rythmées difficiles à anticiper, notamment dans le monde du travail. Chaque quartier de la capitale, tout comme de nombreuses villes et villages de province, sont branchés sur courant alternatif. Durant les jours pairs certains reçoivent de l'électricité le matin, quand les autres attendent l'après-midi. Et inversement pour les jours impairs. Cela devrait durer 72 jours, jusqu'au terme de la saison sèche fin mai. Cette mesure n'est pas effective le week-end et les jours fériés pendant lesquels EDC distribue l'énergie partout de façon habituelle.

Un problème à la source

La vague de chaleur El Niño qui sévit sur le pays depuis la mi-mars enraille totalement le système de production d'électricité khmer, basé en majorité sur l'usage des barrages hydroélectriques. Le Cambodge a produit localement 2650 MW d'électricité en 2018. Un chiffre permettant de satisfaire les besoins du pays. Les sept barrages du royaume (Kirirom 1, Kamchay, Kirirom 3, Stung Atay, Stung Tatay, Lower Russey Chrum, Lower Sesan 2) ont représenté 50% de cette production (1300MW). Cette technique est grandement majoritaire face aux centrales solaires et de charbon. Le manque d'eau actuel dû à la sécheresse ne permet pas aux turbines de ces infrastructures de créer suffisament d'électricité pour la population. Un constat inquétiant pour Morgan Havet, expatrié français au Cambodge. « D'après les informations, la vague de chaleur El Niño doit atteindre son apogée entre avril et mai, nous ne sommes qu'en mars. »

La semaine dernière, le Premier ministre cambodgien Hun Sen a alerté la population et plaidé la compréhension collective. Chacun devra faire des efforts. « Le changement climatique n'affecte pas seulement le Cambodge, mais toute la région. Nous avons besoin d'eau pour produire de l'électricité. Je demande à tous de ne pas gaspiller l'eau, car nous allons connaître une longue saison sèche qui durera jusqu'en juin », a-t-il déclaré. Hun Sen a également proposé, comme solution d'urgence et ponctuelle, d'utiliser des générateurs lorsque le courant est coupé « comme par le passé. » Des annonces commerciales sont alors apparues sur les réseaux sociaux à destination de ceux qui ont besoin d'un courant centralisé à n'importe quel moment. Le gouvernement fait aujourd'hui face à un problème majeur et des solutions à plus long terme ont également été communiquées.

   

Appel à l'international

Pour passer cette période de crise énergétique, le Cambodge a lancé un appel à ses pays voisins pour qu'ils réévaluent leurs actuelles exportations d'énergie au royaume. L'année dernière, 442 MW ont été importés de Thaïlande, du Laos et du Vietnam. Ce dernier, qui connait également de sérieux problèmes de distribution, a refusé d'étendre ses ventes. Les dirigeants d'EDC ont annoncé, en revanche, qu'ils vont acheter 80 MW en Thaïlande et 10 au Laos. Le pays du million d'éléphants a, en marge de cet accord, précisé que ces 10 MW font partie d'un total de 200 MW livrés au Cambodge sur la période 2019-2021.

Le techniciens d'EDC sont de véritables piles électriques depuis quelques jours, et ne s'active pas seulement aux frontières du pays. Des représentants ont rencontré la semaine dernière des membres de l'ambassade turque à Phnom Penh pour discuter du prix et des conditions de l'installation d'une centrale électrique flottante au Cambodge. Toujours en vue de remédier à cette pénurie.

Électricité du Cambodge veut également mettre un coup d'accélérateur sur le secteur de l'énergie solaire. La province de Kompong Speu abrite de nombreuses ébauches de parcs solaires. Celui de Tmat Pong, capable de produire 60 MW, va être, par la force des choses, mis à la disposition d'EDC bien en avance. « Le parc produira 20 MW à la mi-avril et fonctionnera à pleine capacité en août. Ce projet sera donc terminé quatre mois avant la date stipulée dans le contrat », a publié le fournisseur d'énergie sur son compte Facebook.

Les économies d'énergies sont primordiales en cette période de pénurie. Ce n'est évidemment pas un effort de guerre mais de crise énergétique qui est demandé à chacun durant cette saison sèche. Un effort citoyen en somme pour qu'un relatif équlibre soit ces mois-ci possible dans la distribution de l'électricité au royaume.

Thibault Bourru