Covid-19 : la situation au cœur de votre agence locale en Ethiopie - Nomadays

Covid-19 : la situation au cœur de votre agence locale en Ethiopie

27 avr. 2020

Depuis Addis Abeba, Anna Teshu, directrice de l'agence de voyage locale Ethiopia Traditions Travel, membre du collectif Nomadays, témoigne de son quotidien professionnel et de la situation actuelle en Ethiopie à l'heure du coronavirus.

 

"Bien que la période actuelle soit particulièrement difficile et effrayante, je suis très impressionnée par le sens du collectif et la résilience des éthiopiens face à l’adversité. Personne ne se plaint et les gens sont solidaires."

 

   "Après l’intense activité du mois de mars pour rapatrier tous nos clients en voyage dans les différentes régions du territoire, et une fois qu'ils aient pu rejoindre leur domicile avant le « lockdown » du pays, nous avons dû fermer notre bureau à Adis Abeba. Notre activité est totalement à l’arrêt. Tous les voyageurs ont déserté le pays et les mesures de quatorzaines obligatoires mises en place depuis le 23 mars ont eu raison des derniers intrépides.

En temps normal en cette saison, nous préparons les voyages d’automne et d’hiver et commençons à recevoir des réservations et des acomptes. Mais là tout est au point mort. Malgré le fait que nos revenus se soient taris du jour au lendemain, nous nous sommes engagés à verser un revenu mimimum à tous les membres de notre équipe jusqu'au mois d'octobre, période qui correspond au début de la haute saison pour nous. Nous sommes une agence familiale et nous avons conscience qu’un salaire unique aide à subvenir aux besoins élémentaires de toute une famille.

Bien évidemment ici il n’y a aucune sécurité sociale ou mesure d’aide du gouvernement. Pas d’accès au crédit et les gens n’ont pas d’épargne car les salaires sont entièrement consacrés à l’achat de produits de base.

L’arrêt du tourisme et des activités des hôtels, restaurants et cafés, ont entrainé la disparition pure et simple d’un grand nombre d’emplois parallèles qui gravitent autour de ces secteurs touristiques : porteurs, gardiens, cireurs de chaussures, vendeurs de rue, laveurs de voiture, portiers, etc…

Pour beaucoup en Ethiopie, le risque de mourir de faim est bien plus grand que celui de succomber du Covid-19.

Fassika ou fêtes de Pâques éthiopiennes est un des moments forts du calendrier éthiopien. Cette année, il a fallu faire une exception : "manger seuls".

Traditionnellement, les éthiopiens passent la nuit du samedi au dimanche à l'église et au petit matin, tout le monde rentre chez soi pour préparer le doro wot (plat épicé de poulet aux oeufs durs) ou le mouton. Mais cette année cela a été nul autre pareil dans toute l'histoire de l'Ethiopie.

"Les églises (comme les mosquées) sont fermées depuis un mois. Aussi, beaucoup d'Ethiopiens se sont rassemblés autour des églises et dans les rues avoisinantes pour suivre la messe diffusée par haut-parleurs."


Le dimanche de Pâques qui fait suite à 55 jours de carême est célébré par de grands repas. A cette période, les vacances durent une bonne semaine pour que tout le monde ait le temps de s’inviter mutuellement et d’aller manger les uns chez et les autres : voisins, amis, cousins etc. Cette année, il a fallu faire une exception : manger seuls. Traditionnellement pour Noël, c’est possible. Pas pour Pâques. Mais en Ethiopie « manger seuls » signifie manger seulement en famille et non pas faire de gigantesques réunions et interminables visites aux proches et amis. Une notion toute éthiopienne de la solitude…

Bien que la période actuelle soit particulièrement difficile et effrayante, c'est aussi une période où l'on voit émerger beaucoup de solidarité et de courage. Je suis personnellement très impressionnée par le sens du collectif et la résilience des éthiopiens face à l’adversité. Personne ne se plaint et les gens sont solidaires. Tout le monde adhère aux mesures de prévention contre la propagation du virus. Celles-ci sont souvent mises en œuvre avec intelligence et ingéniosité. Par exemple, un grand bidon d’eau avec du savon est à disposition devant chaque magasin pour que chacun puisse se laver les mains avant d’entrer.

Notre plus grande crainte est que les voyageurs tardent à revenir en Ethiopie car il existe toujours de nombreux à-prioris sur le pays. L'Ethiopie reste encore trop souvent associée à la famine des années 1980 avec le Live Aid ou parfois mise "dans le même sac" que ses voisins très instables, comme le Soudan ou la Somalie. Les gens sont mal informés de la situation car d'une manière générale, le taux de criminalité, l'insécurité des voyageurs ou le nombre de cas de malades du Covid-19 reste très faible en Ethiopie."

 

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