Ces femmes qui nous font voyager - Nomadays

Ces femmes qui nous font voyager

27 janv. 2020

Elles sont de nationalités différentes, elles ne se connaissent pas, mais ces femmes ont toutes un point commun : elles nous font voyager !

Nous sommes partis à la rencontre de quatre figures féminines fortes du collectif Nomadays. A travers leur portrait, découvrez l'histoire de ces femmes inspirantes qui nous emmènent à la découverte du monde autrement. Des doutes, des sourires, des voyages, des combats... elles ont toutes connu un parcours semé d'embuches mais sont aujourd'hui fières d'être des femmes libres.

Sopheap, coordinatrice de voyage à Seripheap au Cambodge

« Pour moi, travailler était le plus important pour pouvoir vivre »

   

Tu es née à Phnom Pen il y a 27 ans. Ton parcours personnel et professionnel est un exemple de courage et de détermination. Peux-tu nous raconter ton histoire ?

Je suis née dans la province de Takeo, au sud du Cambodge, j’ai 2 grandes sœurs et 4 frères. En 1998, j’avais 6 ans, j'ai dû quitter mon village natal après le décès de mon père pour aller habiter avec ma tante à Phnom Penh. Tous les matins, je me réveillais à 6h pour aller travailler sur la décharge de Steung Mean Chey avec mes cousins et cousines.

Un jour, une équipe de l’ONG Pour Un Sourire d’Enfant (PSE) est venu visiter la décharge. Ils recherchaient des enfants qui ramassaient les ordures. Moi, j’étais là-bas. Ils m’ont posé plusieurs questions. Puis ils sont venus me rendre visite à la maison, chez ma tante, pour voir dans quelles conditions je vivais.

En 2000, grâce à l’association PSE, j’ai pu aller à l’école. J’ai rencontré de nouveaux amis, appris la langue khmère et même les langues étrangères comme le français et l’anglais. En 2011, j’ai obtenu le baccalauréat du programme du Ministère de l’Éducation de la Jeunesse et des Sports. Ensuite, grâce à l’obtention d’une bourse, j’ai poursuivi mes études à l’Institut des Langues Étrangères (Université Royale de Phnom Penh) avec option langue française pour m’orienter dans les métiers du tourisme.

En 2015, j’ai eu mon diplôme de tourisme en langue française de l’Université Royale de Phnom Penh et j’ai enchainé sur un stage dans une agence de voyage.

Comment as-tu commencé à travailler chez Seripheap ?

Je connaissais le fondateur de l’incubateur où l’agence Seripheap se trouvait. Il m’a conseillé de rejoindre cette agence car Cyrille, le directeur actuel, recherchait des employés francophones. J’ai donc rejoint l’équipe en 2017.

Quel est ton rôle au sein de l’agence de voyage ?

Je suis coordinatrice de voyages : je développe des itinéraires sur tout le territoire cambodgien que je connais sur le bout des doigts. Ce travail me plait beaucoup. Il me permet de mettre en pratique ce que j’ai étudié à l’Université. Aujourd’hui je suis bilingue et je me rends compte que la langue française m’a beaucoup servi. Elle m’a permis de trouver ce travail. Chose que je n’aurais jamais pensé réalisable quand l’ONG Pour un Sourire d’Enfant a voulu me scolariser. Pour moi, travailler était le plus important pour pouvoir vivre.

Francette, cuisinière et cheffe d’équipe cuisine à Toumay Voyages au Tchad

« Le tourisme est un vecteur d’émancipation pour nous les femmes »

   

Comment as-tu intégré l’équipe de l’agence Toumay Voyages ?

Je suis originaire de la région de Moundou, au sud du Tchad. Quand j’ai rejoint l’équipe de Toumay Voyage en 2012 lors des premiers vols charters sur Faya, je n’avais jamais travaillé dans le tourisme. Je n’étais même jamais montée dans le nord du pays et n’avais jamais eu de contact avec le désert !

Ils m’ont fait confiance et du jour au lendemain, je me suis retrouvée parachutée en plein milieu du désert du Tibesti comme cuisinière sur une expédition 4x4. Il n’y avait que des hommes du nord dans l’équipe, des Gouranes, des Dazagas et un groupe de touristes. Ma mission était de parler de la femme tchadienne et faire à manger pour tout le monde.

Cela a dû être difficile d’être la seule femme tchadienne dans un environnement inconnu ?

Oui. Les conditions d'expédition, les déplacements tous les jours, la culture française que je ne connaissais pas, les tchadiens du nord qui me parlaient mal... Au début j’ai pleuré, le soir, la nuit quand personne ne pouvait me voir.

Puis au fil du temps, je suis devenue plus professionnelle. J’ai appris à gérer ma cantine sur le pouce et la rencontre avec les voyageurs a été déterminante : ils m’ont donné confiance en moi, m’ont conforté et m’ont permis d'affronter mes frères tchadiens, de leur tenir tête et de faire ma place.

Et aujourd'hui comment vis-tu ?

Aujourd’hui je vis à N’Djaména et je connais mon métier par cœur. J’accompagne sur le TREG (une course à pied de longue distance) et j’ai des amis partout en Europe. Le tourisme flanche malheureusement mais je suis devenue une femme libre et fière qui rit plus souvent qu'elle ne pleure. Récemment l’ONG African Park qui gère la réserve de l'Ennedi m’a recrutée. Me voilà donc partie pour garder mon indépendance chèrement acquise.

Selon toi, qu’est-ce que le tourisme peut apporter aux femmes tchadiennes ?

Je connais beaucoup de femmes qui travaillent dans le tourisme. A Toumay Voyages, il y a aussi Ester, Noura, Tantine Maye…ce sont toutes des femmes exemplaires qui affrontent leur quotidien avec panache et courage. Le tourisme est un vecteur d’émancipation pour nous les femmes. Il faut juste nous donner la place qui nous revient, pas comme un larbin ou une vendeuse de souvenirs, mais comme collaboratrices d’une équipe soudée. C’est ce que Toumay Voyages a su nous offrir.

Alexia, co-fondatrice et responsable production à Kayala Voyage au Guatemala.

« J’ai croisé la route de nombreuses initiatives de développement touristique au sein des communautés mayas. Et j’ai pris conscience qu’il y avait de magnifiques endroits où les circuits classiques n’allaient pas »

   

Tu es originaire d’Aix-Les-Bains en Savoie, d’où vient ta passion du voyage ?

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont transmis le goût du voyage, et particulièrement ma maman qui, à 18 ans est partie seule pour vivre en Afrique du Sud. Enfant, les belles images des magazines de voyage me faisaient vibrer : les déserts, les végétations luxuriantes… Très jeune, j’avais l’appel du voyage, de la découverte.

Quel est ton parcours de formation, ton premier voyage ?

Mes parents n’étaient pas très enclins à me laisser partir seule avant ma majorité, il me fallait donc patienter. Après un Bac S, je m’oriente vers une section Langues Etrangères Appliquées, en Anglais, Espagnol, et spécialisation Amérique Latine. Mon premier séjour seule à l’étranger sera finalement en Angleterre dans le cadre d’un échange Erasmus. J’ai poursuivi mes études au sein de l’Ecole Internationale de Commerce et Développement 3A, à Lyon avec pour objectif initial de m’orienter dans le domaine humanitaire. J’ai réalisé mes stages au Pérou en tant que coordinatrice de programme pour l’Association Panpachay qui apporte un soutien scolaire, psychologique et médical aux enfants défavorisés d’un quartier d’Arequipa, un ville du sud du pays.

Je suis immédiatement tombée sous le charme de l’Amérique du Sud et même si travailler dans l’humanitaire était mon souhait initial, j’ai réalisé que ces métiers ne me correspondaient pas. Trop peu de liberté d’actions et de mouvement à mon goût.

Comment as-tu pris la décision de t’engager professionnellement dans le tourisme ?

Pendant quelques années, j’ai alterné entre séjours de plusieurs mois en Amérique du Sud, en Asie, petits boulots en France et expériences dans diverses associations de solidarité internationales à l’étranger. Mon voyage de 8 mois en Asie a été une longue période d’introspection. Je souhaitais trouver le moyen de combiner mes passions et ma vie professionnelle. Un jour, j’ai fait la liste de ce qui me faisait vibrer dans la vie : les voyages, la découverte, les cultures et langues étrangères, les sports de montagne, la nature, les rencontres, les partages et me sentir utile. La conclusion m’est apparue évidente : m’orienter vers le tourisme d’aventure avec un impact local positif.

Pourquoi avoir choisi le Guatemala comme terre d’accueil ?

En 2011, j’ai eu la chance d’intégrer le service production d’une agence de trekking. Puis je suis partie travailler pour l’agence prestataire de celle-ci au Guatemala. Parcourant de nombreuses fois le territoire à titre personnel et professionnel (en tant que guide ou en repérage), j’ai pris conscience de la richesse de ce pays, à tous les niveaux : culturelle, humaine, et naturelle.

Tu as créé ta propre agence locale Kayala Voyage en 2016, comment l’idée est-elle née ?

J’ai croisé la route de nombreuses initiatives de développement touristique au sein des communautés mayas. J’ai aussi pris conscience qu’il y avait de magnifiques endroits où les circuits classiques n’allaient pas. Il manquait un lien entre les voyageurs en recherche d’authenticité et d’immersion et les nombreux projets locaux à la visibilité presque inexistante, surtout à l’échelle internationale. C’est mon besoin de liberté dans l’élaboration des circuits et l’orientation que je souhaitais donner à mes actions qui m’ont poussé à créer Kayala Voyage.

Selon toi, de quelle manière les femmes guatémaltèques participent-elles et bénéficient-elles du développement touristique du pays ?

Au Guatemala, les inégalités hommes-femmes sont très marquées. C’est une société patriarchale.
Le secteur touristique n’échappe pas vraiment à cela. Les hôtels, sociétés de transports touristiques, agences locales appartiennent pour la grande majorité aux hommes.

L’impact du tourisme sur la vie des femmes est davantage visible à un niveau très local et rural. Des groupes de femmes, notamment tisserandes, parfois veuves de guerre civile, se sont organisées en coopératives. Pour avoir un impact positif sur les populations locales, il faut aller vers ces associations. Les retombées économiques sont directes, et l’organisation en association leur permet de bénéficier de formations, de se développer, d’avoir une vision de stratégie, de diversification des sources de revenus, d’autonomie financière. Il y a de formidables exemples de développement économique à échelle locale par les femmes autour du lac Atitlan. Je pense par exemple à une coopérative de femmes qui cultivent des plantes médicinales, et fabriquent des cosmétiques, tisanes, pommades naturelles, issues de leur savoir ancestral. Elles sont merveilleusement bien organisées, transmettent avec fierté et passion une partie de leur savoir dans le respect de leur culture et de l’environnement, aux voyageurs qui peuvent aussi acheter les produits.

Simonette, guide-accompagnatrice à Détours Madagascar.

« Il faut se battre et ne jamais baisser les bras »

   

D’où viens-tu ?

Je suis née à Diego Suarez, dans le Nord de Madagascar, et j’ai grandi à Ambanja avec mes 2 frères et mes 2 sœurs. Ma mère nous élevait seule. J’étais la benjamine de la famille et pour aider ma mère à nous scolariser tous, je vendais des beignets. Après avoir décroché mon bac, j’ai enchainé les petits boulots : la couture et l’art malagasy. Je vendais mes réalisations localement dans mon village.

Tu as tout de même pu continuer tes études ?

Oui, grâce à ces deux talents que j’ai depuis petite et que j’ai mis à profit en grandissant, j’ai pu payer trois années d’études universitaires en Communication et Informatique, prendre des cours d’anglais dans une école spécialisée, et suivre une formation en techniques de guidage qu’une agence de voyage à Antananarivo m’avait proposé.

Comment es-tu devenue guide professionnelle ?

C’est l’agence de voyage où je suivais ma formation qui m’a proposé de devenir guide. Je me souviens leur avoir répondu non car je ne savais même pas où se trouvait Antsirabe ! C’est finalement aux côtés des guides de cette agence que j’ai commencé à apprendre le métier. Je suis guide touristique depuis 2005 maintenant.

Tu as intégré l’agence Détours Madagascar en 2017. Qu’apprécies-tu dans cette nouvelle équipe ?

J’ai postulé chez Détours Madagascar grâce à une amie qui y travaillait déjà. Je compte bien y rester parce que j’y ai intégré une équipe très sympa qui prône le partage et l’entraide. J’aime particulièrement échanger avec de nouvelles personnes qui n’ont pas forcément les mêmes croyances, les mêmes langues, les mêmes cultures…C’est un réel privilège, un honneur et un grand plaisir pour moi que de faire découvrir à mes amis voyageurs tout cela. Je parle notamment l’italien (qui n’est pas très commun chez nous) et le français.

Si tu devais faire un bilan sur ton parcours ?

Aujourd’hui je suis mère de 2 filles de 9 et 4 ans. Je reste persuadée que quoi qu’il se passe dans le foyer, dans le mariage, dans la vie professionnelle, il faut se battre et ne jamais baisser les bras.

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